« Faut-il être radical pour sauver la planète ? »
Les informations sont de plus en plus fréquentes et nombreuses à propos de la crise environnementale que nous subissons de plein fouet. Il en résulte qu’une grande partie de la population déclare en avoir connaissance et d’une certaine manière conscience et pourtant les mesures peinent à être prises, sûrement pas en tous cas à la mesure de ce qu’il faudrait pour l’éviter. Les appels des scientifiques, des experts, des militants semblent être des cris dans le désert d’un monde consumériste qui ne change pas vraiment de cap. Il est vrai qu’il est finalement difficile d’entraîner efficacement décideurs et population pour un changement de paradigme alors que les bénéfices concerneront les générations à venir et probablement les populations de pays lointains les plus fragiles et vulnérables… les conditions de mobilisation ne sont pas du tout les mêmes que pour la crise du Covid.
Face à ce sentiment d’immobilisme, une impatience se fait jour dans les cercles convaincus et entraine des manifestations auxquelles participent beaucoup de jeunes, avec des débordements fréquents. Le phénomène mérite qu’on s’y arrête et les organisateurs du 2°festival de l’écologie ont invité des intervenants de différents horizons pour nourrir la réflexion, voire susciter des modes d’engagements chez les quelques 250 participants.
Une introduction percutante
L’invitée pour la conférence inaugurale invite d’emblée à travailler sur les propres peurs de chacun afin d’arrêter la peur d’avoir peur, qui inhibe ! Celle-ci, apprivoisée, peut être un moteur de l’action dont la justesse est le critère déterminant nous dit Camille Etienne, faisant preuve d’une maturité impressionnante pour son jeune âge (25 ans). Sortant d’un combat mené avec les experts pour abandonner l’exploitation minière du fond des océans, elle témoigne de son désir de « servir plus grand que soi », et son expérience de développer une véritable stratégie dans le long terme pour mener à bien les projets de transition écologique. Nous allons ainsi à la racine des problèmes, comme l’étymologie du terme « radical » nous y pousse. Sur ce point, les usages médiatiques nous induisent en erreur car comme le souligne Louis Cofflard, avocat des Amis de la Terre, il ne faut pas confondre extrémisme et radicalité. Il a mené une longue action juridique ayant conduit à une lourde condamnation de l’État français pour le non-respect des normes de pollution atmosphérique dans un esprit authentique de radicalité.
La table ronde « quels modes d’action face à l’urgence écologique »
Les invités étaient d’une diversité très riche. Avec Louis Cofflard figurait le jeune « Roustache » (pseudonyme) issu du mouvement XR (extinction/rébellion) qui a fait entendre la voix révoltée d’une partie de la jeunesse actuelle : « On ne veut pas sauver le monde… Juste arrêter de le détruire ». Pour cela, ils font en sorte d’empêcher les entreprises -celles responsables selon eux de destruction de l’environnement- de fonctionner. Le contraste était succulent avec l’intervention posée de Sr Cécile Renouard, fondatrice du campus de la transition, déployant les six portes de la transition écologique et sociale, comme nous l’avions déjà entendue à Marseille. À plusieurs reprises notre mode de société « le capitalocène » a été pointé du doigt comme facteur essentiel de cette crise. Une analyse plus complète de son implication n’était pas dans la feuille de route du festival, mais si les uns et les autres ont défendu fermement les vertus de la démocratie, les finalités de notre société ont fait l’objet de multiples commentaires critiques.
Ce qui est surtout ressorti en termes de synthèse dans l’esprit des auditeurs est en fait la complémentarité des approches, offrant une palette de possibles modes d’action à adapter à chaque situation. Il n’y a pas un mode opératoire à privilégier : mais des modes à adapter aux circonstances, toujours dans le respect des personnes, condition unanimement affirmée.
La seconde table ronde « les chemins de la transformation intérieure »
Ce débat nous a déplacés à un niveau plus spirituel: les désordres extérieurs qui nous assaillent ne sont-ils pas le reflet des désordres intérieurs qui nous habitent ? C’est ce qu’a développé William Clapier, ancien carme et auteur du livre « effondrement ou révolution ? Un appel au sursaut spirituel. Citant les derniers écrits du pape François il nous invite ensuite au triptyque Être lucide – Se mobiliser – Espérer .C’est cette voix intérieure et inspirée qui, au terme de plusieurs atermoiements, a poussé Mathilde Gimelli à quitter son confortable poste dans la DRH d’un grand groupe industriel pour rejoindre une communauté vivant dans un mode de vie rural et simple inspiré par Lanza Del Vasto, dans le Finistère… Elle nous livre le témoignage d’une autre forme de radicalité vécue avec son mari et leurs jeunes enfants dans ce retour à la terre qu’empruntent beaucoup de jeunes actuellement. Ces « bifurcations » peuvent être le résultat d’une surdose d’éco-anxiété comme le décrit le psychologue Pierre-Eric Sutter. Les différents symptômes affectent de plus en plus de personnes submergées par l’angoisse et à la recherche d’une paix intérieure libératrice. Il importe d’annoncer que le chemin spirituel nous permet de passer d’un militantisme obsessionnel à un militantisme harmonieux issu de la trilogie : dégager du sens – s’engager dans l’action – percevoir de la satisfaction.
Des propositions variées lors du week-end
Ce festival a également proposé d’autres formes d’approfondissement avec la mise en œuvre d’une douzaine d’ateliers partageant et témoignant d’expériences allant dans le sens de la transition écologique comme la finance solidaire, la biodiversité, l’écriture poétique, la méditation chrétienne, le partage de la Parole de Dieu, Eglise Verte… Une marche contemplative des cinq sens ainsi qu’une veillée récréative autour du théâtre d’improvisation ont apporté de la légèreté au milieu de journées très denses.
Le festival s’est achevé autour de la proposition d’une célébration eucharistique de la Création pour emplir le cœur des participants d’espérance et de reconnaissance.
La communauté CVX est partenaire de l’organisation de ce temps fort et plusieurs compagnons se sont investis dans la préparation et l’animation des différentes propositions, d’autres y ont simplement participé. Nous avons tous senti que notre place était d’être là, présents avec les autres partenaires, chrétiens ou pas, avec notre spécificité dans cet élan qui nous habite pour préserver la création et notre grande famille humaine. Nous sommes bien ainsi acteurs d’une priorité qui se fait jour dans la communauté. Le vécu relationnel fort ainsi que les apports d’une grande qualité ont fait de ce festival une réussite d’une densité peu commune. La concomitance de l’évènement avec la sortie de l’exhortation apostolique Laudate Deum a été un soutien formidable dans cette aventure qui sera reconduite… à l’année prochaine donc!
Yves avec les apports de compagnons investis (Arnaud, Pierre, Véronique, Dominique, Viviane…)