Dans le cadre du synode sur la synodalité, CVX et Promesses d’Église ont reçu plus de 200 contributions venant de communautés locales et de ses deux centres spirituels, soit plus de 2 000 personnes impliquées, qu’elles soient compagnons ou membres de groupes synodaux diocésains.
Avec l’aide d’Alain Devillers, Jean-Yves Blanc a recueilli les remontées des membres de CVX pour en transmettre une synthèse à la CVX mondiale qui coordonne la bonne marche de 66 communautés nationales réparties sur les cinq continents.
Marie-Christine Rozier, représentante de CVX au sein du collectif Promesses d’֤֤Église auprès de 50 autres associations a présenté le texte « Deux pas pour transformer l’Église » (voir l’article), élaboré avec Anne Fauquignon à partir des remontées de groupes synodaux et de groupes Promesses d’Église.
Jean-Yves et Marie-Christine ont répondu à nos questions.
Que retenez-vous du travail que vous avez chacun mené ?
Jean-Yves Blanc Tout d’abord, je retiens une grande joie des membres de CVX, joie que nous avons pu constater dans presque toutes les remontées car on leur demande leur avis ! Nous avons noté en même temps une grande crainte que les commentaires, les idées émises ne soient pas pris en compte. Fort heureusement, en lisant le Document de travail pour l’étape continental (DEC, qui est la synthèse mondiale du secrétariat du synode), nous avons constaté qu’il y avait bon nombre de faits mentionnés par les membres qui revenaient également dans les synthèses transmises par les Conférences épiscopales.
Le thème de la coresponsabilité est beaucoup revenu avec le désir d’une Église plus fraternelle, où l’on sait inventer de nouveaux ministères et où la place de chacun (clerc, laïc, homme, femme) soit reconnue dans une égalité baptismale.
Le deuxième thème le plus souvent remonté est celui de compagnons de voyage. Les participants aux groupes de réflexion sur la synodalité ont marqué leur volonté d’avoir une attention souhaitée aux plus pauvres. Par ailleurs, pour être compagnon de voyage, il faut parler le même langage et garder la vigilance de ne pas s’enfermer dans le jargon aussi bien à CVX, qu’en Église.
Le troisième thème qui a beaucoup été abordé : la célébration. Nous avons retenu une immense gratitude du rassemblement de Marseille qui a été unanimement apprécié et qui a marqué. Nous avons par ailleurs noté une insatisfaction de beaucoup de personnes de ce qu’ils vivent de la liturgie en paroisse. Ils ont par exemple le souhait de vivre la messe « qui prend son temps », des assemblées en l’absence de prêtre.
Marie-Christine Rozier J’ai vécu ce travail sur le synode au sein du collectif Promesses d’Église. Je retiens la manière dont nous avons élaboré la synthèse envoyée à la Conférence des évêques de France (CEF). Nous avons voulu que ce soit « un marcher ensemble » en Église et pour l’Église. Pour finaliser cette synthèse, nous avons réuni l’ensemble des cinquante mouvements et nous sommes parvenus à un document validé par tous. C’était important pour la suite du chemin qui nous attend : répondre à la Lettre au peuple de Dieu qui invite “chaque baptisé à la transformation ecclésiale et sociale dont l’Église a tant besoin”.
Comment percevez-vous que CVX vit déjà quelques aspects de la synodalité ?
MCR La CVX vit déjà de manière synodale et c’est ce travail sur le synode qui m’a permis de m’en rendre compte. Nous avons à témoigner et à soutenir cette manière de faire. Notre point fort essentiel, la formation intégrale qui englobe toutes les dimensions : personnelle, spirituelle, théologique, sociale, pratique…. La formation est fondamentale, elle permet à la CVX de progresser communautairement.
Il est significatif que le thème des compagnons de voyage ait été souvent retenu dans la Communauté, contrairement aux diocèses ou aux autres mouvements. Nous vivons ce compagnonnage. Il permet de s’écouter, de se soutenir, « d’être avec » plutôt que « de faire avec ». Cela m’a permis aussi de percevoir la dimension synodale de la CVX. Ce compagnonnage nous donne une dimension fraternelle, moins prégnante dans l’֤Église, notamment avec les clercs. Dans la Communauté, nous nous soutenons, nous travaillons ensemble. Le partage des responsabilités, la manière dont nous sommes organisés, que ce soit au niveau de la gouvernance, au niveau des appels ou du discernement communautaire : ce sont des manières de faire synodales que l’on ne retrouve pas dans l’Église institutionnelle plutôt hiérarchisée avec des processus de décisions qui conduisent à la frustration, à l’incompréhension.
Marcher ensemble, mettre en pratique cette manière synodale de faire ne s’improvise pas. Alors comment faire et par où commencer ? Il faut déjà en être convaincu. Comme le dit le Pape François, c’est ce que Dieu attend de « l’Église du XXI ème siècle » et il appelle chacun à participer à cette transformation ecclésiale et sociale de l’Église.
Au sein de CVX, on est vraiment en route.
JYB Je trouve très justes les propos de Marie-Christine. En complément, j’ajouterai que comme toute association, l’organe de décision, c’est l’Assemblée de Communauté qui fixe ce qui va se passer pour l’association. C’est de l’ordre du discernement communautaire : là où doit aller la Communauté. De plus, il y a un certain nombre de lieux où l’on chemine avec d’autres comme les centres spirituels : Le Hautmont près de Lille et Saint-Hugues près de Grenoble. Dans les conseils d’administration, il n’y a pas que des membres CVX, il y a d’autres organismes d’Église comme Fondacio, la Compagnie de Jésus, les Chemins ignatiens. A Saint-Hugues, 70 % des retraitants ne sont pas membres de CVX. On a une certaine capacité à rayonner pour l’É֤glise.
Il y a aussi les centres d’aide aux étudiants en difficulté, souvent étrangers, dans lesquels on travaille avec d’autres : le CISED à Saint-Denis, le CPU à Lyon ou le CPEG à Grenoble. Enfin, il faut mentionner la Fondation Amar y Servir qui a pour but de financer des projets d’associations qui œuvrent en matière de mondialisation et pauvreté, d’écologie, des jeunes ou des familles. Très peu de ces projets viennent de membres CVX.
Comment poursuivre aujourd’hui le chemin synodal et tirer profit de la démarche initiée ?
JYB Nous avons pu noter dans les remontées un grand attachement à la synodalité, au fait de se mettre ensemble, de s’écouter, de dialoguer. La synodalité c’est un chemin sur lequel le Christ nous précède, cela ne doit pas s’arrêter. L’avenir, c’est de continuer. Comment continuer ? Pour nous ignatiens, c’est de toujours chercher un « davantage » mais aussi d’interpeller nos diocèses, d’interpeller nos paroisses et de travailler avec Promesses d’Église : construire et faire avancer des groupes locaux avec d’autres mouvements et services d’É֤glise dans les différents diocèses.
MCR Je trouve le Document de l’Etape Continentale très éclairant pour la suite à donner au synode. Ce document souligne les points-clés que sont l’écoute dans une perspective de communion entre frères et sœurs ayant un père commun, l’élan et l’engagement vers la mission en tant que baptisé et enfin la liturgie comme rendant visible, tangible cette communion entre nous frères et sœurs. Tout cela suppose un chemin de conversion qui nécessite de se donner les moyens, de s’y exercer et de se former. Le chemin va être très long et sans doute que je n’en verrai pas les fruits mais il faut l’emprunter !
Parmi les pistes que j’ai retenues, je retiens l’écoute des É֤֤critures. J’ai beaucoup aimé l’image de la tente dans Isaïe 54 (« Élargis l’espace de ta tente, déploie sans hésiter la toile de ta demeure, allonge tes cordages, renforce tes piquets ! »). Une tente est un espace de rencontre qui est appelé à s’agrandir et à se déplacer. Pour qu’elle puisse s’agrandir et se déplacer, il faut qu’elle ait des piquets (la foi) qui soient maintenus et constamment consolidés. Les cordages de la tente maintiennent en équilibre malgré les poussées. Il y a nécessité de discerner comment on va tenir la tente en équilibre. Pour élargir la tente, il faut aussi parfois faire de la place aux autres et à la diversité, ce qui permet d’être fécond et de lire les signes des temps. Jusqu’à se vider de soi et se laisser remplir du Christ par l’Esprit Saint. Pour élargir la tente, il faut accepter de mourir, accepter de laisser des choses derrière soi. Cette image est très belle parce qu’on en est là aujourd’hui : il faut accepter de voir certaines choses mourir pour que d’autres fleurissent demain.
Propos recueillis par Pauline Nardese
Plus d’infos sur les centres d’aide aux étudiants étrangers cités :
– CISED (Centre d’initiatives et de soutien aux étudiants de Saint-Denis)
– CPU (Coup de Pouce Université) Lyon
– CPEG (Coup de Pouce Étudiants Grenoble)