Je suis juriste en Droit de l’environnement, on pourrait croire que je suis déjà convaincue du bien-fondé de la protection et de la préservation de l’environnement et pourtant, j’ai vécu une nouvelle conversion écologique l’été dernier à l’Eco Summer Camp.
Consommer en fonction des ressources de la Terre, éviter le consumérisme, cela commence à entrer dans les consciences mais je trouve que cela ne va pas assez loin. En participant à l’Eco Summer Camp, j’ai été heureuse de voir que nous étions une cinquantaine de personnes à comprendre qu’il y avait un changement systémique à soutenir. Les populations indigènes vivent dans une société écocentrique dans laquelle l’homme fait partie de la nature. Le monde occidental, notre système juridique est régi par l’utilité que l’homme peut avoir de la nature. Même le développement durable est pensé en fonction de l’intérêt de l’homme : on ne préserve pas la nature, on s’organise pour que l’homme puisse se développer de la meilleure façon avec les contraintes environnementales. Les indigènes arrivent eux à vivre en rendant à la nature ce qu’ils ont pris. Mais nous ne vivons pas dans une société écocentrée ; j’essaye de faire bouger les lignes à mon petit niveau.
Tous dans le même bateau du changement climatique
Au cours de cette semaine passée à l’Institut Lassalle en Suisse, nous naviguions entre conférences, expériences et exercices en groupe. Je faisais partie des participants « expérimentées de la vie », les organisateurs avaient en majorité convié des jeunes de 20 à 35 ans. La petite dizaine de « vieux » dont moi, était là pour s’ouvrir l’esprit et pour permettre une rencontre intergénérationnelle sur un thème très fédérateur. Nous avons rapidement fait connaissance en atelier, nous étions appelés à parler de nos ressentis face au changement climatique. Ces moments de confidences nous ont permis de nous mettre d’égal à égal et cela a rapidement levé la barrière des décennies ! Au fur et à mesure des jours, nous avons construit ensemble des messages d’espérance pour continuer à prendre soin de la planète.
J’ai été touchée de constater que les jeunes étaient convaincus de la véracité des propos des experts climatiques quand tant de gens de ma génération préfèrent faire comme s’ils n’avaient rien entendu. Cela m’a fait du bien de partager des idées communes. Les participants reconnaissaient tous que nous vivons une phase de transition : il est impossible de penser le futur sans avoir de prise de conscience écologique.
J’ai été marquée par les ateliers proposés par l’économiste autrichien Christian Felber qui nous a parlé de l’économie du bien commun. C’est un modèle d’économie différent fondé sur la justice sociale et la démocratie ; les citoyens sont des acteurs centraux. Christian Felber propose par exemple d’intégrer dans le calcul du PIB des indicateurs sociaux et écologiques et non plus uniquement financiers. Tout le monde a le droit à des ressources que le monde peut nous donner, c’est dans la constitution des pays mais comment cela se traduit-il en définitif ? Nous pourrions construire un nouveau système économique qui prendrait en compte les personnes pauvres qui sont celles à être le plus impactées par le dérèglement climatique.
Personnellement, je trouve juste que les conséquences des changements climatiques touchent aussi l’Europe, qui est le continent qui a souffert le plus des hausses de température en 2023. Le dérèglement climatique a donc bien des conséquences pour l’ensemble des habitants de la Terre, pas seulement pour les plus pauvres et les moins influents. Ironie du sort, les Pays-Bas vont subir le même sort que notre ancienne colonie l’Indonésie. Le gouvernement est en train de bâtir une nouvelle capitale sur l’île de Bornéo où les populations de Jakarta seront contraintes d’être déplacées.
Après la nourriture de l’Eco Summer Camp, il reste…
Avant de repartir chez nous, nous nous sommes écrit une lettre avec l’idée que nous ne pourrions la lire que huit mois plus tard. Revenir de l’Eco Summer Camp plein de bonnes résolutions, c’est facile le premier mois mais dans le temps, comment tenir ? Nous étions invités à coucher sur le papier les petits changements que nous souhaitions apporter à notre quotidien pour mieux prendre soin de la Terre. Nous avons décrit les découvertes que nous avons faites au cours de ce camp d’été, ce que nous avons retenu de ces moments alors que nous tendions tous vers le même engagement. Savoir que j’allais recevoir cette lettre m’a aidée à rester en mouvement, je ne voulais pas m’auto-décevoir ! J’ai vécu une conversion, un changement d’orientation. Sans le soutien du groupe, je ne pense pas qu’on puisse durer dans cette conversion, c’est ce que je me suis appliqué à chercher en revenant.
Se soutenir dans les petits pas
En revenant, je me suis organisée pour pouvoir transmettre ce que j’ai appris au camp d’été à d’autres compagnes et compagnons avec l’aide de CVX Europe qui coordonne et encourage les liens entre les 18 communautés nationales. Avec la CVX en Flandres, nous avons proposé une éco-balade basée sur le travail de Joanna Macy.Nous avons construit un parcours en 4 étapes grâce à celui créé par Christine Kristof (Anima terre) dont la dynamique est proche de celle des Exercices spirituels : tout d’abord l’émerveillement de la rencontre avec la nature, puis se rendre compte que la nature souffre, prendre conscience que nous participons à cette souffrance pour finir par un passage à la vie nouvelle en développant des pistes de conversion. C’est un parcours qui nous demande de faire appel à nos émotions : nous avons parlé aux plantes, nous avons échangé sur ce que nous ressentions. Nous avons invité les participants à réfléchir de quoi a besoin un arbre, une plante pour vivre dans la dignité. J’ai l’impression que ce que les participants ont majoritairement retenu c’est le fait de marcher consciemment dans la nature, cela leur arrive si peu ! Il y avait autant d’hommes que de femmes et même les hommes les plus rationnels ont parlé aux arbres ! Cette éco-balade en plus d’être un pas vers la conversion écologique ne serait-elle pas un moyen de réunir hommes et femmes autour d’une cause commune ?
Marielle Matthee en collaboration avec Pauline Nardese